Pétition Loi de vérification de l’âge : les mineurs en danger

En juillet 2025, sont parues les guidelines du DSA (Digital Services Act) imposant la vérification de l'âge obligatoire sur certains sites et réseaux sociaux. Ces lois prétendent protéger les mineurs, mais quelles sont leurs conséquences réelles?

Cobalt FTM

8/16/20257 min read

Les lignes de conduite pour l'application du DSA, le Digital Services Act, rendent obligatoire la vérification de l'âge sur certains sites, en fonction de leur niveau de risque. Ce niveau de risque est déterminé par la taille d'audience de la plateforme, ainsi que par la nature de son contenu.

Les plateformes pornographiques font partie des plateformes pour qui la vérification d'âge devient obligatoire de par leur contenu, quelle que soit leur taille, mais certains gros sites (plus de 45 millions d'utilisateur.ices par mois dans l'EU) hébergeant différents types de contenus se voient également soumis à cette nouvelle réglementation.

Le DSA impose la vérification d'âge pour les utilisateur.ices basés dans l'EU, par face scan ou par carte d'identité. Bien que le DSA ait été voté en 2022, il ne rentre pratiquement en application que maintenant, au moment où le Royaume-Uni vient également de voter l'Online Safety Act (OSA), une loi imposant des vérifications similaires, sur des plateformes telles que les sites pour adultes, mais également Twitter, Spotify et Wikipédia. La France a également voté la loi SREN, imposant la vérification d'âge sur les plateformes pour adultes. Par ailleurs, depuis 2023, les États-Unis ont voté plusieurs lois de vérification de l'âge (AV Laws) imposant à des sites tels que Pornhub de vérifier par carte d'identité l'âge de ses utilisateur.ices, et ce dans plusieurs États.

Ces lois émergent donc actuellement partout dans le monde occidental, dans un contexte où les dirigeants et des groupes de pression s'inquiètent de la santé mentale des mineur.es. En effet, depuis le confinement, la vie en ligne a pris une énorme place dans la vie de nombreuses personnes, notamment les mineur.es qui étaient privé.es d'école et d'activités à un moment crucial de leur développement social. La digitalisation de la vie quotidenne s'est accélérée, et en parallèle, le confinement, la pandémie du covid, et la crise économique qui en a découlé ont eu des conséquences dramatiques sur la santé mentale de nombreuses personnes. Tenir les réseaux sociaux pour seuls responsables de cette dégradation de la santé mentale relève au mieux de l'ignorance, au pire de la malhonnêteté.

En parallèle à cette digitalisation de la vie quotidienne, de nombreuses entreprises privées de vérification de l'identité sont nées, utilisées pour certaines banques en ligne, ainsi que la vérification d'âge pour les performers sur Onlyfans, Pornhub, et d'autres sites de création de contenus. Aux États-Unis, la multiplication des lois de vérification de l'âge basée sur les sites a favorisé la naissance de nombre de ces entreprises de vérification d'identité, aux pratiques plus ou moins douteuses, attirées par ce marché en plein essor. Leurs profits proviennent des sites qui, obligés de vérifier l'âge de leurs utilisateur.ices, paient des entreprises tierces pour scanner les visages et documents d'identités de leurs utilisateur.ices; mais également du partage et de la vente de ces données.

L'inquiétude légitime des éducateur.ices et des parents pour le bien-être des mineur.es pousse les États à trouver une solution rapidement, et à implémenter ces lois alors que la manière dont ces entreprises traitent et partagent ces données est encore méconnue, mais présente une opportunité en or pour de nouvelles entreprises de ce type, qui n'hésitent pas à proposer leur solution toute simple auprès de nos dirigeants.

Mais qui peut prétendre résoudre un problème de société, par une solution purement technologique ?

La vérification de l'âge envisagée par la législation est basée sur les sites, c'est à dire que les utilisateur.ices devront partager leurs données biométriques et/ou d'identité sur les différents sites qu'ils utilisent, voire plusieurs fois sur chacun de ces sites, certains imposant même la vérification toutes les heures. Cela démultiplie donc les risques pris pour la vie privée des utilisateur.ices et la sécurité de leurs données, ce dont ielles sont bien conscient.es, et s'en inquiètent. La vérification d'âge basée sur les sites permettra à des gouvernements de construire l'infrastructure nécessaire à une surveillance de masse par la collection de données biométriques, ce qui pose un grand danger pour la démocratie.

Cette inquiétude provoque un "chilling effect", c'est-à-dire que d'une part, les utilisateur.ices préfèrent s'abstenir d'utiliser les sites, pour ne pas avoir à vérifier leur identité, renonçant donc à certaines activités pourtant légales et légitimes. D'autre part, les plateformes censurent abusivement certains contenus en les supprimant ou en les définissant comme étant réservés aux adultes. En plus de poser un grave danger pour les droits et la liberté d'expression des usagers, ces restrictions mettent également en danger les travailleur.euses du sexe (TDS) en ligne, en provoquant une chute drastique de leur audience, et donc de leurs revenus. Différentes études et tests menés par des plateformes ont évalué le nombre d'utilisateurs refusant de se soumettre à la vérification d'âge entre 85 à 99%, et suite à l'OSA au Royaume-Uni, Pornhub et XVideos ont perdu 47% de traffic. Ce sont des plateformes populaires, et proposant des vidéos gratuites. Qu'en sera-t-il des plateformes pour lesquelles les utilisateur.ices payent ? Ainsi que des petites plateformes émergeantes, proposant des alternatives plus éthiques à Onlyfans ?

Cela signifie que ces lois, bien qu'elles touchent de nombreuses plateformes et créateur.ices de contenu, mettent particulièrement en danger les plus petits sites et créateur.ices, posant le risque d'accentuer les inégalités dans le milieu du porno.

Partons sur une base optimiste d'une perte de 50% de revenus : un.e TDS en ligne qui ferait des ventes de 100.000€/mois (le top 0,1% sur Onlyfans) se retrouverait donc avec un revenu de 50.000€. Mais la plupart des TDS ne gagnent pas de tels montants! Un.e TDS gagnant 1000€/mois (top 10% sur Onlyfans, donc quand même une minorité), se retrouverait donc avec un revenu de 500€ par mois, à peine de quoi se payer 200€-300€ de salaire, en fonction de ses frais et de la fiscalité de son pays de résidence. Autant faire un autre job... si ielle en a la possibilité (Spoiler : de nombreux.ses TDS n'ont pas d'autres possibilités). Et même si ielles en ont, pourquoi devoir renoncer à une carrière qui leur plaît et leur permet de s'épanouir ?

Ces lois ouvrent donc la voie à des inégalités accentuées : seules les grosses plateformes et les créateur.ices en ayant les moyens pourront y survivre. Alors que l'apparition des plateformes type "fansite" (onlyfans, justforfans, mym,...) ont justement permis à de nombreuses personnes de créer le porno qu'ielles voulaient voir, sans manager ou patron pour leur imposer des pratiques ou des tarifs, et donc d'avoir un relatif contrôle sur leurs conditions de travail.

Ces lois auront donc pour conséquences de précariser la majorité des TDS, en particulier les plus précaires, ainsi que de les rendre dépendant.es de studios et de managers pour leur donner du travail, alors même que la compétition a explosé depuis le boom onlyfans (+75% de nouveaux comptes créés en 2020). Cela aura donc pour conséquence certaine de détériorer les conditions de travail dans le porno en général, par la baisse de paie des acteur.ices et la pression à devoir faire telle ou telle pratique pour être booké.es par les studios.

Par ailleurs, où iront ces utilisateur.ices qui n'iront plus sur les plateformes payantes, qui se conforment à la loi ? Peut-être nos dirigeants pensent-ils qu'ielles s'abstiendront de regarder du porno... La réalité est qu'ielles se rendront sur d'autres sites, non régulés, hébergés dans des pays étrangers où il est difficile, voire impossible de les contrôler et de leur imposer une quelconque vérification d'âge. Ces sites sont biens connus des TDS qui voient régulièrement leurs vidéos volées pour y être postées, avec peu de possibilités, même légales, de recours. Pareil pour les victimes de revenge porn, et ce seront ces contenus auxquels accèderont ces personnes, mais aussi les mineur.es en recherche de porno.

Je ne vois donc pas en quoi ces lois pourront aider la santé mentale de qui que ce soit. Est-il trop tard pour réeellement s'intéresser aux difficultés psychologiques que traversent les mineur.es, et pour leur proposer une éducation sexuelle adaptée ? Pour comprendre pourquoi ielles sont en recherche de contenus réservés aux adultes, et comment répondre à leurs questionnements d'une autre façon ? Pour lutter contre les idées misogynes largement répandues dans les cours de récré, en particulier chez les garçons ? Pour leur apprendre à reconnaître les abus sexuels et à se protéger sur internet et ailleurs ?

Répondre à ces problématiques en imposant la vérification de l'âge, ce n'est pas s'attaquer aux racines du problème ; c'est tenter d'apporter une solution technologique à un problème qui ne relève pas du technologique, mais un problème de société.

Sources

https://hackinghustling.org/wp-content/uploads/2020/01/HackingHustling-Erased.pdf

https://www.techdirt.com/2025/08/15/how-age-verification-laws-targeting-online-porn-could-be-and-should-be-viewed-as-a-labor-rights-issue/

https://www.bbc.co.uk/news/articles/c17n9k54qz2o

https://pelicanpolicy.org/technology-innovation/when-one-adult-site-closes-another-opens-data-shows-that-people-are-working-around-age-verification-laws/

https://www.eff.org/deeplinks/2025/04/age-verification-european-union-mini-id-wallet

https://nymag.com/intelligencer/article/age-verification-is-coming-for-the-whole-internet.html

https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/14352-Protection-of-minors-guidelines/F3496599_en

https://www.eff.org/deeplinks/2025/04/digital-identities-and-future-age-verification-europe

https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/14352-Protection-of-minors-guidelines/F3496569_en

https://www.eff.org/deeplinks/2025/07/just-banning-minors-social-media-not-protecting-them

https://www.eff.org/deeplinks/2025/05/keeping-people-safe-online-fundamental-rights-protective-alternatives-age-checks

https://www.pornhub.com/blog/age-verification-in-the-news

https://www.eff.org/deeplinks/2025/06/protecting-minors-online-must-not-come-cost-privacy-and-free-expression

https://www.eff.org/deeplinks/2025/01/impact-age-verification-measures-goes-beyond-porn-sites

https://www.eff.org/deeplinks/2025/07/zero-knowledge-proofs-alone-are-not-digital-id-solution-protecting-user-privacy?language=en

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